Des enregistrements archéologiques effectués depuis 1960 informent comment
des Polynésiens ont occupé le terrain durant ce que nous appellerons
l’époque préhistorique de l’Ile de Pâques... jusqu’à l’époque de la
découverte par des explorateurs européens.
Cela donne plusieurs phases durant lesquelles cette population
polynésienne :
* aurait créé sa propre écriture selon le contexte culturel très spécial
qui s’est développé dans cette île tant isolée du reste du monde ; ou
bien...
* aurait émigré en provenance du Nord Ouest de l’Océanie, en emportant
dans ses pirogues l’écriture rongorongo, conservée par des sages ou Maoris
rongorongo, comme le conte la tradition orale.
A la date de création de ce mémoire, juillet 2006, les deux théories
s’affrontent mais n’ont pas encore été prouvées par des datations très
précises.
S’agissant de l’occupation de l’Ile de Pâques, d’après l’archéologue
Christopher M. Stevenson qui publia les données en 1995, des datations
furent enregistrées par les procédés modernes (carbone 14 et hydratation
de l’obsidienne). Ces différentes phases sont les suivantes (après JC) :
700-1100 *
Durant cette période sont arrivées, sur une île inhabitée, une ou
plusieurs migrations qui ont vécu une phase d’adaptation. Ces différentes
tribus composées de 50 à 150 personnes ont tout d’abord occupé la côte,
les grottes et les baies, là où la pêche fut possible et puis se sont
introduites dans les terres, sur environ un kilomètre en bordure de la
mer. La première atteinte à l’écologie a eu lieu : bois, arbres, palmiers
commenceront à disparaître dès cette période de déforestation côtière
entre 1000 et 1100. On sait que la population est arrivée sans le porc et
le chien, ce qui n’est pas habituel dans les migrations polynésiennes. Ce
qui laisse à supposer que le voyage fut extrêmement éprouvant et long. Dès
l’occupation de l’île, les seuls apports en protéines viennent de la mer,
domaine où le Polynésien est excellent.
A partir de 800, nous avons les datations des constructions de
maisons semi-circulaires ou maisons bateaux (hare-vaka) couvertes de
chaume (totora) et des premières plateformes cérémonielles (ahu), les plus
petites, le long de la côte.
A partir de 1100 * Les populations se sont introduites plus à l’intérieur
et ont occupé le terrain tout en continuant la construction de ahu plus
imposants et de nouvelles maisons carrées ou rectangulaires, destinées à
la surveillance des terrains et des plantations. Le contexte écologique va
complètement changer durant cette période. L’ère des lumières se développe
à partir de 1350. C’est le début d’une ère artistique, technologique et
architecturale élaborée et de haut niveau. Les datations des pétroglyphes
n’ont pu être faites. Elles sont difficiles. Mais leur existence prouve la
création d’un véritable livre, sur les supports pierre naturelle ou pierre
taillée des ahu. Dans toute l’Océanie le pétroglyphe fut la première forme
d’écriture.
Un mur à Anakena
porte le nom de Ahu Ihu Arero. Ce mur de pierres pointues (ihu) a une
caractéristique : il était réservé aux rituels des tohuka ou tahua (chamanes,
linguistes) qui utilisaient un parler choisi et de haut niveau. Cet ahu comporte
des écrits. Le mot arero signifiant la langue parlée.
D’après les relevés des pétroglyphes de Madame Georgia Lee (Cf.
Bibliographie).
Les motifs de ce mur aux pierres pointues, que les Pascuans connaissaient,
furent dévoilés à Georgia Lee qui fit la publication de tous les pétroglyphes en
1992, un travail très complémentaire à celui déjà très précis de Henri Lavachery
avec Juan Tepano comme guide, publié en 1939. La valeur de ce mur ainsi que son
appellation ne peut nous échapper. Il comporte plusieurs sortes de dessins
représentatifs d’oiseaux ou de poissons mais ce qui est reproduit ci-dessus,
constitue une première forme d’écriture abstraite, différente des pétroglyphes
polynésiens. Autour du site d’Anakena, celui de la tribu des Miru, les datations
de l’obsidienne par hydratation ont donné 800 après JC, ce qui ne signifie pas
que les signes tracés sur ces pierres de l’Ahu ihu arero ont été fait
précisément à cette même date, mais cela est envisageable. On trouve également
cette forme d'écriture, sur d’autres pierres autour d’Anakena.
1425 jusqu’en 1680 * Cette époque donc est la plus complexe, du plus haut niveau
hiérarchique, architectural, économique, cérémoniel. La société est organisée
selon des critères moraux de paix et de coopération. Des jardins clos
apparaissent afin de sauvegarder les plantes (manavai), des cultures intensives
se produisent à l’intérieur des terres. Les ahu deviennent immenses et des
maisons de pierres réservées à l’élite (hare paenga) se construisent près de ces
ahu. L’accès à la mer étant limité en raison du manque de bois donc de pirogues,
l’élevage intensif de poulets va se propager avec la construction de maisons
pour les protéger, afin de procurer à la population d’élite les protéines
nécessaires (hare moa). Cette époque est celle du plus grand développement
découvert dans tout le triangle polynésien. Ce développement culturel a donc
existé à l’Ile de Pâques à son plus haut niveau.
Si l’écriture sur bois n’est pas venue du nord-ouest de l’Océanie, en
provenance de terres proches ou ayant eu des contacts avec la Chine, on
pourrait aisément supposer qu’elle fut créée à Mata Ki te Rangi durant
cette époque de haute créativité. Mais a-t-on le droit de se livrer encore
à des spéculations intellectuelles ?
Seule la tradition orale subsiste, contée par les Rapa Nui au Père
Sébastien Englert et à Alfred Métraux à partir de 1935 : l’ancêtre
Hoa Tu Matua ou 'O Tú-u Matua (écrit de manière moderne Hotu Matua),
serait venu de Hiva en terre Maorie avec 67 tablettes rongorongo et sa
dynastie, les Miru, conduite par son premier fils Tú-u Ma-Heke a perpétré
la tradition de la grande étude des signes.
La grande question que doivent se poser les chercheurs est la suivante :
les récitations des généalogies Ariki peuvent-elles être considérées comme
données historiques en l’absence de données enregistrées ? (Comme par
exemple les datations au carbone 14 ou l’hydratation de l’obsidienne ou
bien les analyses et datations des essences du bois).
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L’hypothèse que durant cette période
l’île a dû être surpeuplée a été dernièrement avancée, car subitement la
déforestation s’accélère. On estime qu’elle est pratiquement totale à partir de
1400. Cependant quelques arbres sacrés seront préservés : le Thespesia
populnea
ou bois de rose d’Océanie qui aura une destinée exceptionnelle : il servira
l’écriture rongorongo et le Broussanetia papirifera ou mûrier à papier
qui servira à produire les tissus, donc à se protéger du froid. Les semences de
ces arbres se sont maintenues vivantes sur les terrains en pente, à l’intérieur
des volcans et ont généré la reproduction des plants.
1680-1750 * Une ère destructrice va succéder avec des guerres, la fragmentation
et la séparation des tribus, l’élimination de l’élite. La déforestation est
totale. Il a été prouvé par l’archéologie que la construction des plateformes
cérémonielles est très limitée entre 1500 et 1600 et puis elle va cesser. Des
tombes semi pyramidales, pyramidales ou rectangulaires font leur apparition.
Elles contiennent les restes mortels de familles de haut rang. Certains secteurs
de l’île sont abandonnés. Les tribus se réfugient dans les cavernes. L’activité
du tapa, tissu à partir de l’écorce du Broussanetia papirifera continue
dans les grottes ainsi que le travail sur bois (1633-1742). On constate des
pratiques rituelles employant le feu autour des ahu.
1680-1740 * L’analyse spectrométrique de masse par accélérateur a permis la
datation du bois. Elle n’a pu être effectuée que sur une seule tablette : elle
met en lumière un arbre sacré, adulte, de Thespesia populnea sauvegardé
du ravage écologique. Il aura une destinée exceptionnelle, il va servir à graver
une écriture rongorongo déjà structurée : il s‘agit de la seule tablette
analysée, appartenant au Musée Pierre le Grand de Saint Petersbourg. Nous ne
savons pas à quelle époque elle fut gravée mais elle comporte le signe d’un
arbre réputé disparu à partir de 1400, un palmier au tronc en forme de
bouteille, la Pascholococas disperta, selon l’exposé de Madame Catherine
Orliac à la 6ème Conférence Rapa Nui et Pacifico de Reñaca. Cet arbre est plus
communément appelé Jubaea chilensis ce qui laisse à penser que la
tablette fut gravée d’après la connaissance de la nature de l’époque. Ces signes
simples ou complexes figurent sur d’autres tablettes, plus anciennes.
Grâce à la palynologie qui détermine les résidus des pollens dans les
différentes couches du sol, il fut déterminé que ce palmier, endémique du terres
continentales du Chili, poussait également à l’Ile de Pâques et produisait une
nourriture.
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Détail de la petite de Saint Petersbourg - Courtoisie du Musée Pierre le
Grand
En cas de publication à des fins non culturelles, le © est à solliciter à
ce même musée.
Signes complexes (groupes verbaux et nominaux,
phrases) parlant du palmier du Chili.
Codification CEIPP
Sur www.rongorongo.org
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1686 * Fin de la préhistoire et du grand
isolement. L’île est aperçue par le flibustier anglais Davis entre 1686 et 1687
et dessinée par les géographes européens sur les cartes anciennes comme Terre de
Davis, par 270/280 º de longitude ouest et proche du Tropique du Capricorne.
Les cartes se reproduisent et se diffusent dans
toute l’Europe dès le début du 18ème siècle. La Terre de Davis, ici
mentionnée, est une île de dimensions très importantes : presque aussi
large que la distance entre Coquimbo et Valdivia. Cette terre attire les
expéditions maritimes à la recherche de nouvelles terres australes.
Image d’après la carte de la planisphère. Dampier - 1717
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