Histoire du Rongorongo

 

ET CELA VA CONTINUER CAR AU 19ÈME SIÈCLE S’Y DÉROULERONT DES ÉVÈNEMENTS D’UNE EXTRÊME VIOLENCE

1805 - 1869

Lorena Bettocchi ©

 

 

Dès 1805, une goélette nord-américaine est responsable du rapt d’un groupe d’hommes et de femmes, afin de les utiliser comme main-d’oeuvre forcée dans les Îles Juan Fernandez. Les hommes sautent par-dessus bord, les femmes restent prisonnières.
A Rapa Nui, durant la première moitié de ce siècle,  se produisent des guerres entre clans, des luttes tribales  : le Roi Nga-Ara, descendant de Tù-u Ma-heke de la grande tribu Miru, initié en écritures, est fait prisonnier. Lorsqu’il meurt les tablettes de bois royales comportant l’écriture rongorongo sont brûlées au cours de l’incinération.
Celles de son fils Kaimakoi disparaîtront également lors de l’incendie des maisons. Son serviteur et petit-fils Te Pito puis Take de la même famille et du même clan des Miru, hériteront de quelques tablettes très convoitées. Les écoles rongorongo continueront au ralenti.


L’expédition internationale de chasses d’esclaves dans le Pacifique commence en 1862. Sur 3000 personnes, 1407 Pascuans, hommes femmes et enfants, sont embarqués comme main-d’oeuvre destinée au travail forcé au Pérou.
Après plusieurs interventions énergiques des autorités françaises (abolition de l’esclavage sous la II République en 1848) et chiliennes (premier pays abolitionniste en 1811), afin d’arrêter immédiatement cette nouvelle forme d’esclavage, le rapatriement de quelques Pascuans est organisé à Callao au Pérou. Sur les 100 rapatriés 85 vont périr durant le voyage. Des épidémies de petite vérole et de tuberculose se propagent : la population de Rapa Nui est contaminée par les 15 survivants. Les descendants du roi Nga-Ara, l’Ariki Maurata son fils, ainsi que les Maoris rongorongo, maîtres en écritures, ne reviendront jamais de leur déportation.

1864 * Le 3 janvier à Rapa Nui débarque un ouvrier mécanicien français, frère laïc de la congrégation des SS. CC. de Picpus, le Frère Eugène Eyraud. C’est un tout premier contact pour une évangélisation mais ce n’est pas encore une mission catholique organisée. Au cours de son premier séjour le F. Eyraud constate que dans chaque maison il y a des tablettes de bois couvertes de signes hiéroglyphiques mais que les Pascans ne savent plus les lire ou en font peu de cas. La population , selon le Frère E. Eyraud est estimée à environ 1200 personnes. Le jeune Français séjourne avec les îliens durant huit douloureux mois puis retourne à Valparaiso demander de l’aide pour établir une mission. Son appel est entendu par ses supérieurs qui sont également informés qu’il a découvert une écriture Pascuane mais l’information va rester occulte aussi bien à Valparaiso qu’au siège des SS CC près de Rome, et ce durant 4 ans.

1866 * Deux ans plus tard, prend forme la première mission catholique à Rapa Nui. Avec le Frère E. Eyraud, arrive le 25 mars 1866, le père Hyppolite Roussel qui va évangéliser tout en élaborant des dictionnaires. Il aura une longueur d’avance et un bon contact avec les indigènes puisqu’il parle le mangarevien. Il est accompagné de trois Polynésiens des Iles Gambier. Sept mois plus tard, le 28 octobre, les pères Théodule Escolan et Gaspar Zumbohm s’embarquent à Tahiti à bord du voilier Tampico appartenant à Onésime Dutrou-Bornier qui s’installera également à Rapa Nui à l’arrivée le 6 novembre, avec l’idée d’acheter et exploiter des terres. En 2 ans cet aventurier changera complètement d’attitude, dominant les îliens, semant la discorde, introduisant des armes à feu : il mènera la vie dure à la population et aux missionnaires qui finalement se retireront à Tahiti.
Il se produira à cette époque de très graves épidémies de tuberculose. Pour seulement les mois d’août septembre  1868 : 37 morts. Le premier recensement du P. Roussel avait donné le chiffre de 930 habitants. Le deuxième recensement donnera le chiffre de 645 natifs et 5 Européens.

1868 * Une statue d’une grande valeur  va être découverte et quitter définitivement l’île pour le British Muséum : en novembre, le HMS Topaze, navire anglais commandé par Linton Palmer, en mission dans le Pacifique, fait une halte à Rapa Nui. Dutrou-Bornier qui veut rénover son bateau achète matériel et outils à l’intendant du Topaze et n’est pas en mesure de payer au moment du départ du navire. Il propose donc du troc à la marine anglaise avec les oeuvres d’art de l’île. En présence du Pascuan Torometi, du Père Zumbohm et de Dutrou-Bornier, les recherches vont commencer pour trouver un moai pouvant être hissé à bord. Ils découvriront le moai Hoa-Haka-Nana-Ia caché à l’intérieur d’une maison du site d’Orongo. Il sera embarqué à bord du Topaze ainsi qu’un autre moai, plus petit, afin d’être exposés en Angleterre. Il fut noté par Linton Palmer que les habitants de Hanga Roa pleurèrent de désarroi et voulurent embarquer avec le superbe moai Hoa-Haka-Nana-Ia, décrite par les Rapa Nui comme la « briseuse de lames » mais dont le nom pourrait signifier ‘l’Ami caché’.

 

 

Moai Hoa-Haka-Nana-Ia
« Le Moai qui brisait les lames de l’océan »
L’ancêtre protégeait sa descendance
Courtoisie British Museum London
 


Dans ses écrits Linton Palmer ne mentionne pas que des objets couverts de signes sont en possession de membres de l’expédition. Cependant des tablettes ou des objets rongorongo voyagent en Angleterre dès cette période.
Selon les recherches attribuées à Van Hoorebeek, (cf. Bibliographie), elles furent proposées au Docteur Forbes, administrateur du Musée de Liverpool. « Palmer, déclara-t-il lors de la conférence de Katherine Routledge du 20 novembre 1916, avait une collection plus importante que quiconque de tablettes incisées ». Le compte-rendu de la conférence parut dans le Geografic Jounal nº 5 de mai 1917.

1868 * A Rapa Nui le 23 août, victime de l’épidémie de tuberculose, le Frère Eugène Eyraud s´éteint. Peu avant sa mort il demande au Père Roussel « s’il reste des païens ». La réponse est « aucun, je viens de baptiser le dernier ». Le Frère Eugène Eyraud quitte ce monde en emportant le secret des tablettes et de l’écriture rongorongo sans mentionner leur découverte aux Pères de la mission.


1869 * Quelques mois plus tard le Père Zumbohm voyage à Tahiti pour rendre compte de la mission et ramener du matériel et c’est par hasard que Mgr Tepano Jaussen, Vicaire Apostolique de Tahiti, reçoit de la part des Pascuans un cadeau étrange : un morceau de bois entouré d’une tresse de cheveux.


Source de l’image  : Musée de Tahiti et des îles
 

 

Monseigneur T. Jaussen découvre alors une tablette écrite et prend conscience que dans cette île tant isolée et tourmentée il y a bel et bien une écriture. Il demande au Père de lui envoyer d’autres « pièces à conviction ».
A partir de cette période l’évêque s’informe auprès des missions d’Océanie si une semblable écriture existe ailleurs : on lui répond qu’à Batavia on trouve des pétroglyphes semblables. En 1871, il réceptionnera 4 tablettes, un bâton de Taua couverts de graphèmes et en 1872 un segment de tablette cassée en toutes parts couverte de signes également. Dès qu’il est en possession de ces objets, il commence à élaborer un répertoire de signes rongorongo d’après les récitations d’un Pascuan nommé Metoro Taua Ure fils de He-Tuki.



Tablette nommée « l’échancrée » par Monseigneur Jaussen recto et verso
Source documentaire Dr Stephen-Chauvet

 

                                         

 

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LORENA BETTOCCHI
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