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   Linguistes  
  et  lecture du rongorongo  Par Lorena Bettocchi 
 
 
  Qui leur 
  démontra ces savoir-faire, nés probablement d’échanges dans toute
  l’Océanie et probablement avec des Asiatiques ?  Où et quand  naquit-elle, cette proto-écriture
  Océanienne qui ne se retrouva plus qu’à Rapanui ?  De quand datent les
  tablettes, les bâtons,  ces ornements
  sacerdotaux ou ces  pièces de   pirogue ?  Que contenaient-ils,  ces manuscrits et ces galets, ces
  pierres, ornées de rongorongo ? Comment  commencèrent les interdits, les
  tabous ? Et quand finiront les
  courses  au décryptage, alors qu’il ne
  nous reste que 25 items, 25 objets portant une écriture antique ?          Bien
  des  interrogations qui  n’ont pas toutes des réponses  définitives à ce jour (avril 2008).  Alors que j’ai pratiquement fait le tour
  pour les galets ornés de signes, le reste n’est qu’essais et  banque de données.   Éliminons
  définitivement les lieux communs comme mystérieuse écriture. Car la recherche
  a avancé de quelques marches, les premières dirai-je, celles de notre
  apprentissage.  Nous savons que les
  25  Items qui restent sont les uniques
  documents, témoins :  la
  proto-écriture de Rapanui, un miracle, 
  à la suite des incendies dus aux guerres tribales.  Leurs blessures par le feu
  parlent :  témoins  de souffrance et de  bouleversements culturels, de passages de
  pouvoirs, de changement de destination. 
  Reconstituer l’histoire des tablettes est une délicate chirurgie.  Un cheminement parsemé d’embuches.  Evitons de considérer comme vérité  tout ce qui fut écrit sur l’encyclopédie
  wikipedia sur le rongorongo. Ce ne sont pas des chercheurs qui écrivent sur
  wikipedia, mais des rédacteurs qui se servent de leurs lectures pour retracer
  l’histoire. Les anciennes publications sur le rongorongo sont à considérer
  avec prudence. Il faut tout reprendre depuis le début. Depuis
  l’Ahu-ihu-arero, le mur de la parole sacrée du site d’Anakena dont les
  datations remonteraient à 600 après J. C, reprendre les analyses et les
  datations des bois, reprendre les notes de James Cook,    étudier toutes les écritures archaïques
  d’Asie,  afin de retrouver
  quelques  pièces du puzzle. Voici
  ce que nous avons à notre disposition en témoignages, recherches et banque de
  données : 19e siècle  :  Témoignages de personnes : Ramón te
  Haha, He, Kapiera, Fati, Lankitopa  Fin des 
  célébrations de la « grande étude » du peuple rapanui                    Ce
  fut Catherine Routledge [2]
  qui  reçut
  le plus d’informations sur les mouvements des dernières tablettes et les
  fêtes annuelles qui avaient lieu sur le site d’Anakena et durant lesquelles
  maîtres  et apprentis récitaient sur
  l’écriture.  Son guide, l’ancien Ramon
  te Haha, alors qu’il était tout jeune homme, fut témoin de ces cérémonies au temps
  du roi initié Nga-ara qui vécut vers le milieu du 19e siècle.  L’ariki Nga-ara et Ramon Te Haha étaient
  des Miru, de la tribu d’Hotu Matua qui selon la tradition orale colonisa
  Rapanui et  voyagea avec ses Maori
  rongorongo et ses tablettes.  En page  index figurent les links concernant  toute l’histoire des  supports d’écritures rapanui, ainsi qu’un
  diaporama provisoire  qui permet
  d’évaluer leur beauté.    http://www.ile-de-paques.com/tomenika_1.htm         Ces
  six ou sept  chapitres présentent les
  linguistes Maoris, Pascuans (élèves ou témoins) et les linguistes ou
  scientifiques occidentaux, nord-américains ou européens qui  ont dédié 
  une partie de leurs recherches, voire même de leur vie,   à cette 
  écriture hermétique qu’est le rongorongo. Je n’ai pas encore rédigé la
  page consacrée aux chercheurs Belges. Nous 
  tenterons de distinguer, chronologiquement selon les types de
  publications, différents aspects des recherches sur le rongorongo, celles qui
  sont actuellement connues, des plus anciennes aux plus récentes, soit  : 1.   
  ce que nous avons pris
  pour de la  lecture mais qui est, en
  réalité de la sémantique ; 2.   
  ce qui fut compris comme
  des interprétations  symboliques ;
   3.   
  ce qui fut considéré comme
  tentatives de déchiffrement ; 4.   
  ce qui fut publié en
  histoire ; 5.   
  ce qui fut  étudié 
  en épigraphie ou en statistiques ; 6.   
  l’humanisme et l’ethno
  linguistique ; 7.   
  la botanique et les  datations. Sémantique et premier répertoire  Tahiti 1871 : Le Maori Metoro
  Taua-a-Ure récite  devant Monseigneur Tepano Jaussen  Une
  partie de mes recherches, depuis 1992, fut consacrée à l’approfondissement du
  répertoire de Mgr Tepano Jaussen d’après Métoro, à son service à partir de
  1869, qui lui donna une lecture sémantique de  la  tablette
  ‘Mamari’  et des   autres tablettes envoyées à l’évêque en
  janvier 1869 et en 1871, lors du rapatriement des missions de Rapanui sur
  Mangareva.  Métoro, interrogé un jour,
  proposa  d’autres signifiants dès le
  lendemain, différents de ceux de la veille. Il  fournit avec zèle,
  puisqu’il était sollicité,  diverses  interprétations. Parfois,
  il  décrivit la forme physique des pictogrammes. En fait, il ne fit
  aucune lecture.  Je suis certaine que jamais il ne prétendit le faire.
  Metoro nous offrit une base de données en 
  sémantique, en transposant la figure, comme si ce fut un symbole, dans
  son mental, dans son vécu et sa culture :   pour un signe ou un groupe de signes ou
  signifiants, il donna un ou plusieurs signifiés. N’oublions pas que c’était
  un élève et  que Metoro fut le premier témoin de faits en ethno linguistique …   c’est ainsi que l’on travaillait dans les
  écoles initiatiques :  on
  s’adonnait à l’art des essais en sémantique devant l’écriture des anciens.  D’ailleurs, l’homme intelligent que fut
  Tepano Jaussen le comprit parfaitement. Il s’agissait bien d’une proto
  écriture : une écriture en 
  devenir qui fut brutalement cassée par les luttes tribales,
  l’esclavage et les changements culturels. Le vocabulaire pour se comprendre, à la fin
  du 19ème siècle,   entre 
  missionnaires,   visiteurs
  et  Rapa Nui était souvent
  malmené.  Métoro fut traité et l’est encore, de mystificateur, tout
  comme comme Ure Vae Iko, en 1886 devant Thomson.    Un peu d’honnêteté : revoyons nos
  positions à ce sujet et considérons que sa version est une véritable  base de données polynésiennes en
  ethnolinguistique,  une "version
  sémantique" de cinq tablettes. Monseigneur Tepano Jaussen en fit un
  répertoire provisoire :   les
  deux-tiers des pictogrammes de son catalogue furent désignés en arero
  rapanui, l'autre tiers, en tahitien ou autre langage. J’ai repéré toutes les
  erreurs du  répertoire Jaussen[3]  en 2003.   
             L’évêque écrivit que Metoro fit la première récitation devant  un Européen 
  sans  aucune hésitation  et  des  confusions furent commises lors des
  transcriptions  de l’arero rapanui au
  français et de l’arero rapa nui à l’espagnol. 
  Ce répertoire   fut publié en
  1893 après la mort du prélat, par le Père Ildefonse Alezard  avec, 
  justement, ces erreurs que j’ai signalées paragraphe précédent.   En 2005 alors que je travaillais comme
  professeur  associé de l’Universidad de
  Valparaiso, j’ai fait la découverte suivante :   en 1936, 
  un atelier d'anciens Rapanui, isolés à la léproserie, fit une
  correction pointue de ce répertoire. Arturo Teao Tori fut l’un des Maori
  rongorongo, aidé des frères Matteo et Gabriel Veri-Veri   et de 
  Juan Araki[4] tous
  neveux ou descendants d’initiés qui ont vécu au 19e siècle et qui
  échappèrent aux rapts des esclavagistes car ils étaient trop âgés.  La
  scientifique Irina Fedorova (nous consacrerons une page à Irina), lorsqu’elle
  attribue des significations à un 
  glyphe du répertoire rongorongo, 
  tient compte du répertoire de Mgr Tepano Jaussen. J'en tiens compte
  également, en tant que banque de données. Je commence à restructurer  les chants de Metoro.  Jacques Guy les restitua sur son site
  internet rongorongo.org selon  le
  rythme suivant : cinq expressions = 5 signes. Ce n’est pas tout à fait
  ce qui correspond à ses récitations. 
  Si vous êtes Polynésien, vous pouvez étudier   le chant de Metoro sur la tablette Mamari  et vous élever au grade supérieur… Je l’ai
  recomposé non selon Jacques Guy  qui
  proposait cinq expressions  pour cinq signes, mais par sections, car
  cela est simplement plus conforme au langage du Pascuan qui promenait son
  regard sur la ligne, revenait, sautait, continuait, avec une mémoire
  surprenante… Metoro
  sur la tablette Mamari :   http://www.ile-de-paques.com/mamari-b-metoro-semantique.htm Cinq
  chapitres vont suivre qui  expliqueront
  la modeste évolution de nos recherches Malgré
  un énorme travail... un travail de dizaines d’années pour chacun de nous Page
  suivante : Sémantique, cosmogonie, chant de la pluie… Rapanui
  1886 :  Les Maoris Ure-Vae-Iko 
  et Kaitae récitent   devant le
  Commodore Thomson       | 
 
[1] Marama : lune, mois, intelligence des maîtres
[2] Le Mana, voilier de
l’expédition,  séjourna 14 mois à Rapanui
(1914)
[3] Lorena Bettocchi, estudios y tesis DIBAM de Santiago de
Chile 2007
[4] Link : Rongo
Metua, le « message des anciens » qui contient  quatre pages de corrections (publication des
études inédites de Lorena Bettocchi dans Tahiti Pacifique Magazine  numero 185 de septembre 2006) et sur http://www.ile-de-paques.com/bettocchi.htm