| Linguistes  
  et  lecture du rongorongo  Par Lorena Bettocchi 
 
 Chapitre
  II Sémantique,
  cosmogonie, chant de la pluie Rapanui
  1886 :  Les Maori Ure-Vae-Iko  et Kaitae récitent   devant le Commodore Thomson  Quatre
  années de travail me furent nécessaires pour  explorer  les chants
  de l’ancien Ure Vae Iko (né en 1803), d’après les notes prises par Thomson,
  mandaté par la Smithsonian Institution de Washington  en 1886. Les chants d’Ure Vae Iko furent
  des "rongo" : chants  de la
  tradition orale, clamés par l’Ancien,  un peu forcé par des étrangers
  qui lui présentaient les photos de tablettes ou les deux antiquités achetés
  par Thomson à cette occasion (la petite et la grande de Washington).  
 La petite
  de Washington appelée  Atua mata riri -
  Doc Thomson, photographie d’un moulage courtoisie
  Smithonian Instutution de Washington,  Retranscrits
  en langage phonétique incertain -parfois abrégé, certainement dactylographié
  et typographié  avec des erreurs- ces
  chants contiennent des indications sur les "rongo" de la tradition
  orale, mais non sur le grand rongorongo ancien, la grande étude  du peuple Rapanui.   J’avais calculé
  que les notes de  Salmon qui les
  consigna à Thomson contenaient  environ
  70 % de mots anciens rapanui. Ces récitations étaient donc,  à mon sens, matière à étude et construction
  d’une  base de données.  En
  2002,  j’ai  participé à un atelier  collectif 
  lancé par le  CEIPP[1]
  de Paris  qui mit en place une
  commission dite "Apai" sur un seul chant de Ure Vae Iko : nous
  savions que l’Ancien psalmodia cette longue récitation devant la photo de la
  tablette Keiti.  J’ai travaillé, pour
  ma part sur tous les textes de Ure Vae
  Iko avant de faire connaître mes conclusions[2].   J’ai
  fait une découverte d’importance au sujet du chant  Atua Mata Riri, le dernier chant que j’ai
  étudié : cette découverte  fut
  publiée sur le web en septembre 2004, elle remit en question les conclusions de
  Stephen Fisher (une page sera consacrée à ce linguiste nord-américain).  Auparavant,
  au CEIPP, un certain nombre de graphiques furent extraits du chant Apai d’Ure
  Vae Iko -à partir du texte brut de Thomson et non à partir du texte que
  j’avais orthographiquement restructuré mais en fait que personne ne voulait
  considérer par manque de confiance sans doute. Ces graphiques étaient
  destinés à vérifier les  statistiques
  d'autres linguistes comme par exemple les statistiques de Konstantin
  Podzniakov.   Il  fut produit 
  par Raymond Duranton des statistiques utiles sur les voyelles, les
  consonnes et les syllabes, statistiques 
  auxquelles je n’ai pas participé. 
  Mon travail, sur les chants de Ure Vae Iko n’existait qu’en
  sémantique, dans la recherche des mots d’autrefois qui nous manquent tant
  pour travailler   le rongorongo. 
  Sous mon copyright, ces chants, ainsi que la langue "ancienne" de
  Ure Vae Iko -un glossaire d’étude selon l’arero rapa
  nui, l’éo enata et l’arero rarotonga- apparaissent  sous le
  chapitre  Rongo de Ure Vae Iko, dans ce
  même site, ainsi que les tableaux qui concerne chacun de ses chants. Atua
  mata riri ou la pierre de Rosette :   
  de mémoire, l’Ancien Ure Vae Iko psalmodia  un chant de la création en commençant par implorer le pardon de Dieu, car il
  était catholique  : Atua mata riri ! Dieu me voit réciter
  les tablettes tabou qui mettent mon âme en danter  et 
  va se mettre en colère dit-il. 
  Mais aidé par un stimulant, car on le fit boire,  il continua.  Un quart des vers de la poésie  fut consacré, en effet, à la connaissance
  des Ariki, à la cosmogonie. Puis de mémoire toujours,  se souvenant des chants durant les
  cérémonies annuelles du roi Nga-ara, l’Ancien commença  à décrire les signes de  la petite tablette que Thomson venait
  d’acheter. J’ai mis longtemps avant de comprendre qu’Ure Vae Iko décrivit
  plusieurs sections de la tablette : ce que les Pascuans, eux,  savaient depuis fort longtemps. Allez voir
  comment Ure Vae Iko né en 1803… se mit à décrire les signes. http://www.rongo-rongo.com/atua-mata-riri.html 
 Nous
  sommes donc devant une banque
  de données rapanui datant d’avant 1886. Ure Vae Iko fut traité de
  mystificateur car on  échangea  les photos des tablettes, alors qu’il
  récitait. Mais il ne lisait pas et ne prétendit pas le faire : « nous connaissons le contenu mais
  les paroles anciennes se sont perdues » dit–il.  Sur trois tablettes, il expliquait l’usage
  que l’on faisait autrefois de cette écriture. Tabou, sacrée, ki ariki, répétait-il dans ses récitations :  connaissance
  des ariki, art royal. Baptisé
  avant la mort du frère Eugène Heyraud, on lui avait dit que les tablettes
  profanes mettaient son âme en danger. Comme on lui présenta des photos faites
  par Thomson lors du passage à Tahiti 
  chez Mgr Tepano Jaussen, il reconnut des tablettes anciennes données
  aux missionnaires et le fait que le bon Evêque considérât l’écriture comme un
  grand apport culturel  Maori… lui donna
  des ailes. Ses récitations sont magnifiques et instructives. A la différence
  de Metoro, qui décrit les signes physiquement ou scande les signifiants ou
  parfois les signifiés,  Ure vae Iko
  récita sur quelques lignes, quelques sections.  Il
  avait un fort caractère et était  
  poète, maître des cérémonies. Il y a dans ses  récitations des rituels, des généalogies et
  un très joli chant de la pluie.  De
  plus, il n’envoie pas dire ce qu’il pense de la venue de bateaux étrangers ou
  de la valeur des tablettes à Tahiti. Sa
  mémoire fut réhabilitée en 1936 par les Old Ones[3],
  les ateliers des anciens sur la tradition orale, qui commencèrent la page
  d’un répertoire de signes rongorongo à la gloire de Ure Vae Iko et de
  Tomenika a Tea-Tea, nés  Manuscrit A d’Estéban Atan,  page sur les signes relevés  sur le répertoire Jaussen et les signes
  créés durant les ateliers des Old Ones (Courtoisie Maria Atan, fille
  d’Esteban). Conclusion 1 : à 
  la fin  du 19e
  siècle,  trois   rapanui, Metoro (1869 1891 devant Tepano
  Jaussen), Ure Vae Iko et Kaitae (1886 devant Thomson)  ont 
  témoigné  de la manière dont on
  travaillait dans les ateliers initiatiques à leur époque : en sémantique
  pure.  Mais que les paroles des anciens
  étaint depuis fort longtemps perdues. Et cela, seul Monseigneur Tepano
  Jaussen l’avait compris. Les Rapanui recherchaient les paroles anciennes sur
  leur proto-écriture rongorongo avec le vocabulaire qu’il leur restait
  consigné dans les lexiques des marins ou des missionnaires… En 1886 les dernières tablettes disparurent. Il en
  resta quelques unes enfouies sous la terre ou dans une grotte d’Orongo. Les
  signes étaient perdus. Un homme, Tea-tea recommenca avec d’autres signes,
  plus proches de la nature. C’est-a-dire que quittant une écriture structurée,
  perdue, ils revinrent à la première écriture de l’homme : le symbole.
  Tea-Tea fut le père adoptif de Tomenika Vaka Paté.  Ne soyons pas surpris si en 1936 Juan Paté
  découvrit une tablette dans une maison de Hanga Honu, une tablette en
  écriture cursive, se rapprochant des signes de Tomenika que lui avait
  enseignés son père adoptif Tea-Tea. Voir les notes de Katherine Routledge sur
  www.ile-de-paques.com   Page suivante :  
  Un chant ancestral, le rongorongo tau  Rapanui
  1914 : Quelques jours avant sa mort, le Maori  Tomenika a Tea-Tea récite
  un rongorongo tau, à la gloire de
  ses ancêtres devant Katherine Routledge.         
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[1] Cercle d’Etudes de l’Ile
de Pâques et de la Polynésie
[2] J’ai l’habitude de tout
étudier d’abord avant de conclure prudemment, en bonne  descendante de Toscans  (Non
far scenza, sin lo aver inteso : Dante Alighieri).
[3] Nommés ainsi par Thomas Barthel
qui étudia les manuscrits rapanui des années 1936-1955
[4] Les éditeurs des actes de la conférence JM Ramirez,
Christopher Stevenson et Georgia Lee ne crurent pas utile de publier la
conférence de Lorena Bettocchi : motif donné par Chr. Stevenson  vous l’avez déjà éditée sur internet. Fort
heureusement à Rapanui   il y a  maintenant Internet  et l’information est  accessible dans les collèges.